Neill était entrain de fouiller sa victime. Rien dans les poches, pas d’armes cachées dans les chaussures. Ses habits montraient qu’il était noble. La seule chose intéressante qu’il trouva sur cet homme fut le caillou implanté dans son pied gauche. C’est ce qui convainquit le vicomte de le garder en vie, il pouvait toujours servir.
Et pourtant la première idée de Neill avait été de le torturer et de le tuer, sans autres formes de procès. Parce que cet homme avait osé lui faire affront !
Revenons un peu en arrière pour voir ce qu’il s’était réellement passé.

***

Le vicomte avait été invité à un dîner chez une famille riche (moins que lui, mais dont le statut était plus élevé) de Londres. Il s’y était rendu avec sa petite sœur, ennuyé déjà à l’idée de devoir flatter ces gens durant toute une soirée (mais c’était bon pour les affaires). Il ignorait qu’il ne serait pas le seul invité, et qu’avec lui un homme énervant (et très certainement fou) était là. Ce dernier poussa Neill à bout tout au long de la soirée, ce type du nom de Bobby Watson se montra horripilant (et beaucoup trop collant). Mais le clou du spectacle fut quand il se permit, alors que chacun rentrait chez lui, de le saluer en l’appelant « Neillchou ». Le sang du vicomte ne fit qu’un tour, après avoir vérifié qu’il n’y avait personne pour les voir il assomma cet étrange personnage, l’enferma dans sa voiture et le ramena chez lui, bien décidé à mettre un terme à la vie de ce misérable fou.

***

Mais finalement, découvrir qu’il avait un caillou avait sauvé la vie de ce Bobby, aussi l’installa-t-il dans une petite pièce et attendit-il son réveil pour l’interroger. Au bout d’une heure le bonhomme n’était toujours pas réveillé, mais semblait dormir profondément et bavait allégrement. Neill complètement dégoûté préféra aller vaquer à ses occupations, demandant à sa sœur de le prévenir au réveil de Bobby.

L’homme mit un certain temps à se réveiller (en fait Neill eut le temps d’aller dormir lui aussi, puis de prendre son petit-déjeuner), et le vicomte le rejoignis dès que sa sœur le prévint de son réveil (enfin).

- Bonjour monsieur Watson. Vous vous demandez sûrement ce que vous faites ici. Hier, vous avez fait un malaise et je vous ai ramené chez moi, ignorant votre adresse.

Neill l’avait aidé bien entendu à avoir ce malaise, mais il se fichait que l’homme le croit ou non, il voulait juste avoir plus d’infos sur lui et sur la pierre (par exemple : quel était son pouvoir) et comment il allait pouvoir se servir de lui avant de le dénoncer à la milice (et de s’occuper de son cas lui-même).
Mais d’abord devait-il se montrer des plus aimables, et gagner sa confiance, ce qui serait sans doute difficile, puisqu’il n’aimait pas ce type, et encore moins s’il décidait de le rappeler « Neillchou ». Néanmoins le vicomte devait contenir ses nerfs s’il voulait faire durer le jeu, et se servir de ce type pourrait sûrement être pratique pour s’amuser (et qu’est ce qu’il s’amuserait quand après lui avoir fait tout avouer il pourrait le découper en petit morceau).

- J’espère que vous allez mieux, souhaitez-vous un petit déjeuner ? Ou que j’appelle le docteur ? Vous êtes mon humble invité le temps de votre rétablissement.

Et peut-être ne rentrerez-vous jamais chez vous, mais cela ce n’est qu’un détail.

Bobby ne sentait rien. Bobby tu dors. Bobby tu dors toujours et en plus tu baves. Bobby, mais qu’allons nous faire de toi ? Ca t’apprendre de traiter tout le monde comme si c’était des peluches. La prochaine fois, tu te contiendras de crier à tout le monde qu’ils sont tes petits choux. Tu vois, Shawn te l’avait dit. Shawn te préviens tout le temps d’arrêter, que ton langage est trop bizarre et qu’il peut vraiment effrayer les gens. Mais Bobby, pourquoi tu n’écoutes jamais ce qu’on te dit ? Pourquoi tu restes sur ta lune ? Pourquoi tu préfères parler à toi-même et n’écouter que quand ça concerne quelque chose d’important sur ta famille ? Ah Bobby, maintenant, regarde toi. Sais-tu où tu te trouves ? Non, tu dors. Mais tu n’es pas au meilleur endroit pour parler de bonbons, de nuages, et de choses diverses et stupides bien trop digne de toi. Bobby, tu es naïf et insouciant. Et Shawn qui n’a pas vu ce qui c’est passé, et Shawn qui n’a pas pu t’accompagner à cette soirée.

C’est vrai ça, qu’est ce qui te prends d’appeler tout le monde par « chou » ?! Tu vexes souvent des gens de cette manière, mais là c’est pire. Alors, à cette soirée où tu t’es rendu la veille, tu t’es bien amusé, oui, tu parlais de tout et de rien avec ces autres nobles qui comme toi appréciaient se vanter, se flatter, et faire leur paon. Mais tu l’as abordé, lui, le diable en personne. Neill Owen. Mais qu’est ce qui t’as pris à cet instant ? Et pourquoi soudain l'as-tu appelé Neillchou ? Es-tu masochiste ? Non juste trop innocent. Pourtant, tu es assez âgé Bobby, vingt trois ans, ce n’est pas rien. Alors pourquoi ne grandis-tu pas ? Et tu imagines la tête que William à dû faire en voyant que son frère chéri qu’il aime n’était pas rentré ? Maintenant, il doit menacer – voire tuer – tout le monde dans la rue pour savoir où tu te trouves. Mais toi, tu ne t’en préoccupes pas, parce que tu dors. Bobby, réveille toi, fais un effort. Pour moi. Pour William. Pour Shawn et pour ta propre vie !

Mais les minutes passent.
Encore.
Ah ! Enfin tu daignes te réveiller ! Tu en as mis du temps ! Tu pourrais un peu plus être inquiet pour ton sort bon sang ! Enfin, suis-je bête, tu ne sais pas où tu es, ni ce qui vas t’arriver très prochainement. Non, tu ignores tout, comme d’habitude. Tu te souviens vaguement de la soirée. Et puis rien. Le vide, le trou, le néant. Alors tu réfléchis Bobby. Qu’as-tu pu faire pour arriver dans cette maison ? Ce n’est pas l’alcool, tu n’aimes pas ça. Alors quoi ? Qui ? Comment et quand ? Quand soudain, il fit son apparition. Le propriétaire de cette demeure. Cet homme que tu trouvais tellement sympathique – comme toutes les autres personnes que tu connais -, ce Neill Owen. Il t’annonce que tu as fait un malaise, et tout de suite tu le crois, parce que tu es bien trop naïf pour te méfier. Et tu penses surtout à Serena, et à William qui doivent s’inquiéter. Tu penses au fait que tu dois rentrer, au plus vite, mais que tu ne peux pas, parce que tu dois quand même faire preuve de politesse et ne pas t’enfuir comme un voleur.

Et le voilà qui te proposes un petit déjeuner, comme il est galant et sympathique ! Tu es si heureux d’avoir été recueilli par ce brave homme, c’est un modèle de gentillesse, un modèle pour la société, un modèle pour tous même ! ….Si tu savais.
Un rétablissement, quel rétablissement ? Tu as juste un peu mal à la tête, et tu as sûrement une bosse. Mais qu’importe !

- Oh non, vous n’avez pas besoin de prendre soin de moi de cette manière, je ne veux pas vous importuner de ma présence ! De plus, j’ai une sœur et un frère qui m’attendent chez moi, les pauvres choux, ils doivent tant s'inquiéter…

Toujours ce mot chou dans ta bouche. Tu y tiens dis donc, mais tiens-tu à la vie ?
Et voilà que ton ventre, ce traître ce met à émettre un gargouillement disgracieux, oh le rustre ! Tu as bien envie de le réprimander, et tu t’excuses en face de ce gentleman qu’est Monsieur Owen-chou.

- Et bien, on dirais que je devrais tout de même prendre un petit déjeuner…Si cela ne vous dérange vraiment pas…

Ton sourire est celui d’un homme gêné, oh mais que dois penser cet homme de toi ? Tu fais un malaise, il à la bonté de te ramener chez lui, et toi tu l’obliges à te nourrir ! Ce n’est pas du tout gentil tout ça. En plus, ce n’est pas bon pour ta réputation auquel tu tiens tant. Mais qu’importe, le mal est fait.

- Oh non, vous n’avez pas besoin de prendre soin de moi de cette manière, je ne veux pas vous importuner de ma présence ! De plus, j’ai une sœur et un frère qui m’attendent chez moi, les pauvres choux, ils doivent tant s'inquiéter…

Choux. CHOUX. Neill tiqua, malgré lui son sourcil s’abaissa et il sentit son regard se faire assassin, mais il se ressaisit. Le terme « chou » était cette fois-ci adressé à son frère et à sa sœur, et pas au vicomte. Heureusement pour Bobby d’ailleurs.

- Mais j’insiste mon cher monsieur. Ma demeure vous est ouverte. Quand à votre frère et votre sœur, si vous voulez je peux leur faire envoyer un courrier les informant que vous vous portez bien et qu’ils n’ont pas de raisons de s’inquiéter. Si vous me donnez votre adresse bien entendu.

Evidemment, donner son adresse à une personne comme Neill, c’est comme si un rat ouvrait sa cage au chat. Mais ne pas lui donner revenait au même, car il finirait par la connaître, il avait ses sources.
L’air de rien, le vicomte commençait déjà à prendre ses renseignements. Donc ce Bobby avait un frère et une sœur, deux personnes qui avaient l’air de tenir à lui et qui pourraient s’inquiéter de sa santé (et de sa possible disparition). C’était à prendre en compte, parfois une famille pouvait être ennuyante et lui mettre des bâtons dans les roues, c’est pour cela qu’il négligeait rarement les liens que pouvait avoir les gens entre eux.

Pris dans ses pensés, il entendit le ventre de Bobby grogner, signe qu’il avait faim.

- Et bien, on dirait que je devrais tout de même prendre un petit déjeuner…Si cela ne vous dérange vraiment pas…

Bien sûr que cela le dérangeait, mais Neill prenait son mal en patience, il était sûr d’être récompensé plus tard pour cela. S’il tuait trop vite Bobby, sans doute perdrait-il la moitié du plaisir qu’il aurait à le faire avec toutes les bonnes informations en main.

- Non, évidemment cela ne me dérange pas. Si vous pouvez vous lever, nous allons passer dans le salon afin que vous puissiez profiter pleinement des plats préparés par un de mes meilleurs cuisiniers. Vous m’en direz des nouvelles.

Parfois Neill se trouvait tellement doué dans son rôle d’hôte et de noble hyper galant, hyper bien élevé, qu’il aurait pu finir par y croire lui-même. S’il n’avait pas tant soif de mal, de torture, de souffrance, évidemment. Les mots et les gestes lui venaient tout seul, pas étonnant que le monde entier y croit (du moins ceux qui ignoraient tout de sa vraie nature, comme cet abruti de Bobby).

Il entraina ainsi avec lui le drôle de bonhomme, s’assurant que ce dernier le suivait et n’allait pas se perdre dans les longs couloirs de la maison. Neill aimait son manoir, ses labyrinthes, il aimait quand ses victimes cherchaient à fuir sans trouver la sortie, croyant y arriver et tombant dans une autre pièce. Seuls les domestiques, le maître de maison et sa sœur connaissent vraiment les chemins de cette demeure. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux que Bobby le suive, il n’a pas envie de perdre ce drôle de type dans sa maison.
Ils arrivèrent finalement dans le salon où la table avait été mise spécialement pour l’homme.

- Je vous en prie, prenez place, ceci a été préparé spécialement pour vous. J’espère qu’en remplissant bien votre estomac, vous retrouverez complètement la santé et éviterez un nouveau malaise.

Tu ne te doutes de rien. Encore, et toujours, tu es prêt à donner ton adresse à ce noble si galant, si parfait. Tu es prêt à lui donner si ça vaut le coup. Bobby, raisonne-toi. Bobby grandis. Mais tu ne m’écoutes pas, tu n’écoutes rien, tu n’écoutes que lui et toi. Pour l’instant en tout cas. Tu t’inquiètes aussi de Serena, si raisonnable, si responsable, oh mon dieu, elle a dû envoyer la police à ta recherche. Et William ? Il doit garder sa chambre tellement il doit être inquiet. Ou alors, comme tu l’ignores tant, il doit surtout menacer des gens à l’instant même où tu regardes avec un air tout joyeux ce Neill Owen de malheur qui t’as séquestré chez lui sans que tu le saches. Tout ça pour un seul mot prononcé de travers, franchement.

Et puis voilà que Neill te propose si gentiment de prendre un petit déjeuner, tu te lèves donc, tu souris, tu à l’air si noble, tu as l’air si fier, tu gardes ton air de narcissique. Tu es tellement bizarre Bobby.
La maison est grande, la maison est longue, la maison est un vrai labyrinthe bon sang ! Mais comment vas-tu faire pour t’y retrouver dans un tel endroit ? Non tu ne pourras pas, et tu t’en fiches de toute façon. Tu as l’habitude des grandes maisons, tu en as une aussi grande. Et voilà que tu arrives dans un merveilleux salon, aussi beau que l’un des tiens en fait, mais pour toi tout est beau Bobby. Même les plus grands psychopathes. Enfin, tu ne sais même pas qui est un psychopathe autour de toi, et je me demande comment tu réagirais si tu savais en fait… Ca serait sûrement amusant. Mais pour l’instant tu ne sais rien. Et tu suis l’invitation de ce noble de Neill Owen, et tu vas t’asseoir avec la plus grande dignité, et politesse. Es-tu fier de manger avec un homme pareil ? Sûrement, tu pourras le dire à ton père que ce Owen est un brave homme, et qu’il t’as sauvé d’un malaise.

Et puis soudain tu as une merveilleuse illumination. En face de toi, où tout du moins, peu loin de toi, et à portée de vue, il y a cette charmante jeune fille, qui est la merveilleuse sœur de Neill. Quel est son nom déjà ? … Un moment de réflexion t’es demandé pendant que tu commences à déguster le merveilleux déjeuner que les fantastiques domestiques du grand monsieur Owen t’ont préparés, et soudain ce nom te reviens. Et sans hésitation, et d’une franchise qui n’est que trop digne de toi, te voilà qui déclare :

- Votre sœur est très charmante, il me semble que son nom est Elinor ? Cela viendrait-il de la merveilleuse et fabuleux ouvrage de Jane Austen ?

Tu parles bien sûr de ton auteur préféré, d’un de tes livres préférés, de Raisons et Sentiments, et de l’héroine de ce livre. Elinor. Tu aimes tellement ce bouquin, tu ne peux t’empêcher d’en parler, et puis au moins, tu pourras tester les goûts de Neill Owen.
C’est peut-être une lecture un peu romantique, mais tu aimes tellement, toi, Bobby Watson, écrivain de romans policiers plein de suspens et assez glauques il faut l’avouer. Quels goûts étranges tu as. Mais venant de toi, plus rien n’étonne personne… Et tu attends la réponse, sourire niais en bouche. Stupide que tu es.

Sous le regard de psychopathe de Neill, Bobby s’assoit. Il ne remarque même pas les yeux sadiques de son prédateur, et semble parfaitement heureux de pouvoir se repaître d’un si fabuleux petit déjeuner. Bien.
Neill commanda à un domestique d’envoyer un mot à l’adresse indiquée par monsieur Watson afin que sa famille ne s’inquiète pas. Quand le vicomte précisa que ce monsieur allait passer quelques temps ici et était son invité, le domestique frissonna, il ne savait que trop bien ce que cela signifiait et quand il ne se trouva plus sous les yeux de son maître, il se permis un signe de croix, priant Dieu de leur venir en aide.
Mais Dieu devait être occupé, et Neill semblait bien pouvoir faire ce qu’il désirait.
Sa petite sœur se trouvait également dans la pièce, déjeunant en compagnie de Bobby (mais se tenant assez loin de lui), elle restait silencieuse, après tout elle n’avait pas ni le besoin, ni l’envie de causer, seul son frère réveillait son intérêt de toute manière.
Cependant, le noble, lui, sembla la remarquer, et ses paroles déconcertèrent – non pas la concernée qui l’écoutait à peine – mais Neill.

- Votre sœur est très charmante, il me semble que son nom est Elinor ? Cela viendrait-il de la merveilleuse et fabuleux ouvrage de Jane Austen ?

Effectivement, sa sœur s’appelait Elinor Owen, mais sa mère l’avait-elle nommé en pensant à Jane Austen ? Neill n’en n’avait aucune idée. Après tout cette dernière lui parlait assez peu, et son père lui parlait trop mais seulement pour l’insulter.
Néanmoins ce qui le déconcerta c’était plus d’imaginer un homme comme Bobby Watson en train de lire, et surtout de lire du Jane Austen. Il était rare qu’un homme s’intéresse réellement à ce genre de lecture dites pour femmes, et Neill rencontrait pour la première fois quelqu’un du sexe fort qui abordait le sujet. Allez savoir pourquoi, il en fut plutôt satisfait.
En effet le vicomte n’était pas seulement un assassin fou, un meurtrier sanglant, un sale type vilain, un manipulateur et un hypocrite, il était aussi un très grand lecteur, et adorait lire. Quand il devait attendre qu’une de ces victimes se réveillent, il aimait se perdre dans un bouquin, et comme il arrivait parfois qu’il n’ait rien à faire (pas de méchant plan, personne à torturer) il aimait s’occuper en lisant.
Il avait donc bien sûr lu tous les Jane Austen, et contrairement aux gens de son sexe, les considérait comme des grands livres. Certes cela parlait d’amour, mais pas que… On y retrouvait une critique de la société, et l’auteur plaçait la femme dans une position que Neill appréciait. Car pour une personne qui se sentait supérieur à tous, il aimait tout de même quand la femme n’occupait pas que la place de la faible. Les femmes fortes étaient très drôles à torturer.

- Effectivement, ma sœur porte bien le nom d’Elinor dans l’œuvre Raison et Sentiment de Jane Austen. Je ne sais si notre mère lui a donné pour cette raison, mais puisque ma sœur me paraît être une personne très sage, je suppose que ce prénom lui va bien.

Sage peut-être, mais surtout très obéissante, et complètement en adoration de son frère, prête à tout pour lui.

- Mais je suis surpris que vous connaissiez et appréciez Jane Austen, habituellement elle fait plus causer les femmes, même si je trouve que cela est une erreur. Les hommes auraient beaucoup à apprendre en lisant ses livres. Et beaucoup à rire, surtout en lisant Northanger Abbey.

Neill ignorait où cette discussion pouvait l’emmener, mais après tout il était bien plus agréable de parler lecture que d’attendre en silence. Et il préférait ça à devoir lécher les chaussures d’autres nobles, juste pour bien se faire voir dans la société.

Bobby, tu es un petit naïf. Bobby, tu aimes des livres qui sont à ton époque, principalement destinés aux femmes. Est-ce parce qu’un jour tu t’es pris pour ta mère ? Peut-être, je n’en sais rien. Tu es ce que tu es. Et ca m’étonnerais que ce noble psychopathe connaisse Jane Austen, ou bien si il la connaît, que ça soit plus que de nom. Mais toi, tu connais tout par cœur. Tu as relu des tas de fois Orgueil et Préjugés, trop passionné par l’amour de Darcy et Elizabeth. Et tu aimes tellement Raisons et Sentiments, et quoi d’autres encore ? Ah oui ? Tu aimes Emma aussi ? C’est vrai. Et puis, n’oublions pas le livre qui porte le nom de ton pouvoir dont tu ignores l’existence. Persuasion. Tu aimes tellement l’héroine, tu as tellement tremblé en espérant qu’elle finirait avec celui qu’elle aime. Mais tout c’est bien passé, tout s’est fini comme dans les contes, avec pleins d’amour. Mais Jane Austen n’a-t-elle pas fait tout pour terminer le mieux du monde ses livres ? oh, qu’elle magnifique femme ! quel dommage qu’elle n’ait pas pu écrire encore plus de livres. Si seulement elle était encore vivante ! D’ailleurs, ce qui me surprends, c’est que ton pouvoir est la persuasion, alors que ça aurait pu être celui de ressusciter ton écrivain préféré…Mais apparemment, contrôler les gens est plus important pour toi.

Et enfin, Neill Owen te réponds. Il connaît Jane Austen. Il connaît son œuvre, ou tout du moins celle ou apparaît le délicieux nom de sa charmante sœur. Il parle de celle-ci en disant qu’elle est sage. C’est vrai, elle à l’air. Elle te rappelle vraiment Serena. Et tu comprends pourquoi. Les jeunes filles d’aujourd’hui sont parfois tel Lydia ou Kitty dans Orgueil et Préjugés, un peu trop dynamiques, un peu trop émotives, mais Serena est droite. Serena est parfaite. Serena reste calme et s’assure que tu ne fasses pas de bêtises. Limite si ce n’est pas toi le petit frère parfois. Mais comme tu prends vraiment soin d’elle Bobby, et bien, c’est toi l’aîné et ça se voit. Et puis, ce charmant noble qui t’a recueilli quand tu avais besoin vu que tu as fait un malaise – soi-disant – annonce qu’il est surpris, tout comme toi, que tu connaisses cet auteur. Mais tu aimes tellement ses livres voyons ! Et tu es tout à fait d’accord avec ce charmant jeune homme qui ne doit avoir qu’un ou deux ans de différence avec toi. Il te parle de Northanger Abbey, ou l’auteur elle-même se moque des femmes de son époque, et tu souris. Tu adores parler de livres Bobby, surtout de ceux que tu aimes le plus. Et cet homme à les mêmes goûts que toi, n’est ce pas merveilleux ?

- Je suis tout à fait d’accord avec vous. Jane Austen était une femme très franche, et ses histoires sont vraiment merveilleuses, et amusantes vu qu’elle se moque réellement de l’époque où elle et nous, vivons. Surtout dans celui que vous venez de citer. J’aurais tellement aimé la rencontrer.

Et tu es heureux, fou comme un pinson même si ce n’est pas la bonne expression. Ce Neill Owen est génial. C’est décidé. Et tu te décides, vraiment, ce type est tellement génial, il faut qu’il soit ton ami ! Ainsi tu sors comme ça :

- Je veux que tu deviennes mon meilleur ami !

Avec tellement de conviction, que ta pierre brille, que ta pierre agit. Tu es fou Bobby. Mais tu es tellement adorable que je ne sais que dire. Tu viens de demander à être le meilleur ami du diable. Mais passons, c’est ton désir, et ta pierre l’a exaucé.

Apparemment Bobby était un véritable fan de Jane Austen. Neill en était de plus en plus surpris, vu qu’il n’avait pas l’air d’avoir beaucoup d’esprit, et pourtant il semblait avoir été touché par la manière dont Jane Austen réussissait à critiquer la société, par son ironie et ses livres.
Cela, bien entendu, ne l’empêcherait pas de le torturer, mais disons qu’il était plus disposé à l’écouter parler.
Mais c’est alors que quelque chose de TRES étrange arriva. Bobby lui demanda d’être son meilleur ami, il semblait véritablement le souhaiter.
Neill n’avait AUCUN ami, il n’en voulait pas, et il ne croyait pas en l’amitié. Il préférait les sentiments négatifs de toute façon : la haine, la cruauté, la peur, voilà qui était bien.
Pourtant quand ses mots résonnèrent, son cerveau parut se déconnecter.
Il regardait Bobby, et … Oui ce type était vraiment une personne fantastique, il ne pouvait qu’être son ami, son meilleur ami.
Le vicomte renonça même à le tuer et le torturer, vraiment quelle drôle d’idée, Bobby devenait tout à coup bien trop précieux pour lui. Il le protégerait et ne lui ferait aucun mal. Jamais.

- Bien sûr Bobby, vous êtes mon meilleur ami.

Avoua-t-il clairement, en attrapant la main du garçon comme pour sceller un pacte. Elinor paru le regarder bizarrement, et elle avait sans doute raison. Le vicomte refusait toute sorte d’amitié, c’était un sentiment inutile et embarrassant, et il avait toujours tenu à l’éloigner de lui. Cependant avec Bobby c’était différent, à l’intérieur il sentait que cet homme devait être son ami, c’était ainsi.

- D’ailleurs je suis très heureux que vous soyez chez moi et que vous aimiez Jane Austen, nous pourrons ainsi en discuter sans arrêt. Car vous êtes mon meilleur ami.

Cela semblait tellement important, que Neill en pouvait s’empêcher de le répéter. Quelque chose clochait et quelque part en lui le vicomte le savait, pourtant il semblait tellement important pour son meilleur ami Bobby qu’ils soient tous deux des meilleurs amis qu’il ne pouvait absolument pas le refuser.
Même si Elinor lui faisait les gros yeux.

- D’ailleurs, Elinor, excuse moi de ne pas te l’avoir dit plus tôt, mais je souhaite que Bobby soit un invité de marque dans mon manoir, et qu’il soit protégé de tout, il faudra bien prendre soin de lui.

La jeune fille n’eut pas l’air particulièrement heureuse, mais elle ne désobéissait jamais à son frère, aussi acquiesça-t-elle, et imagina que cela devait faire partir d’une sorte de plan sadique de son cher ainé.

- Maintenant Bobby, permettez-moi de vous offrir ce que vous désirez, puisque nous sommes maintenant meilleur ami.

Bobby, tu ne sais même pas que tu as une pierre, et en fait, j’y pense mais c’est vraiment mieux que tu ne le saches pas. L’inconvénient, c’est que tes désirs sont un peu à la limite de la folie, non ? Allez, ouvre les yeux. Réfléchis. Qui est Neill Owen ? Un dangereux homme. Il te fera du mal. Pourquoi, oh oui, qu’est ce qui t’as pris de demander qu’il soit ton meilleur ami ? Comment ça, juste parce qu’il aime Jane Austen, penses-tu que cela suffit Bobby ? Oui. Mais que vas penser William, qui sait qui est cet homme ? Il ne va pas le prendre bien. Tu n’as pas peur qu’il arrive quelque chose de mal ? Non parce que pour toi, ce noble est génial, et tu es même persuadé que ton frère va l’adorer. Ah Bobby, tu me désespères.

Tu ne vois même pas la réaction de la sœur de ton meilleur ami, parce que tu as décidé qu’il serait ton meilleur ami, point final. Comme Shawn. Comme Gellen. Ton meilleur ami à la vie. Espèce de masochiste va. Tu t’attires des meilleurs amis bizarres. Tu as une pierre, et rappelle moi ce que font tes deux meilleurs amis dans leur vie ? Oh oui, ils font partie de la milice c’est vrai. Et même ton frère est bizarre. Vraiment, Bobby, tu attires vraiment les mauvaises personnes.

Mais voilà que Neill annonce qu’il est heureux que tu sois chez lui, et que tu aimes Jane Austen. Oh toi aussi tu en es ravi, et si on ne t’arrêtes pas, je sens que tu vas te mettre à en parler pendant des heures. C’est un de tes sujets préférés non ? Il répéta qu’il était ton meilleur ami. Ta pierre devait se moquer, devait rire, mais tu ne peux le savoir, tu ne sais même pas qu’elle existe. C’est ton meilleur ami, c’est tout ce que tu as compris. Et tant pis si l’amitié à été un peu vite quand même.

Elinor, cette charmante fille selon toi, apprit ainsi que tu étais un invité de marque. Un vrai cette fois – heureusement pour toi – et que tu seras protégé. N’est ce pas merveilleux ? Tu as failli mourir il y a à peine quelques minutes, et maintenant tu es sûr d’être vivant. Tu peux t’estimer heureux d’avoir une merveilleuse pierre au pouvoir extravagant. D’ailleurs, te voilà qui t’exclames :

- Je suis enchanté de cette charmante hospitalité de votre part !

Tu es enthousiaste, tu es heureux. Et surtout, tu as hâte de présenter Neill à tes deux autres meilleurs amis.

- J’ai vraiment hâte de vous faire rencontrer mes deux autres merveilleux meilleurs amis. Le premier est un noble très studieux qui aime mes livres, son nom est Shawn Sawyer, peut-être le connaissez vous. Le second est également un noble fantastique et tout ce qu’il y a de plus sympathique, il se nomme Gellen de Wilford.

Tu souris. Youpi. Et tu n’as pas peur que Neill soit jaloux ? Non ? Non. Parce que tu ne sais au final pas grand-chose sur lui. Tu ne sais pas ce dont il est capable. Tu ne sais rien. Espèce de fou.
A toi de voir Bobby. Et puis, tu finis par conclure par :

- Maintenant que nous sommes des meilleurs amis, nous allons pouvoir parler de Jane Austen et de ses chefs d’œuvre, ainsi que de notre vie à chacun. Saviez vous que j’étais écrivain ?

Ah. Le voilà ton air fier et orgueilleux. Enfin, tu ne semble pas méchant quand tu le fais, vu ton sourire. Tu es juste narcissique Bobby.